Le sourire archaïque a été utilisé par les sculpteurs grecs et étrusques de la période archaïque, en particulier dans le deuxième quart du VI eme siècle. Pour les spectateurs habitués au réalisme, le sourire est plat et assez peu naturel, bien qu’il puisse être considéré comme un mouvement vers le naturalisme. C’est le sourire caractéristique du kouros et de la Coré.
Ainsi pendant ce siècle et demi, jusqu’au milieu du V ème siècle , le sourire dit archaïque est largement sculpté. La signification de la convention adoptée dans cette période n’est pas connue, mais il est souvent admis que pour les Grecs ce genre de sourire reflète un état de santé et de bien-être idéal. Il a également été suggéré que le sourire serait simplement le résultat d’une difficulté technique de réalisation de la forme incurvée de la bouche dans la tête un peu massive, typique de la sculpture archaïque.
On retrouve aussi une face amicale chez les anciens égyptiens, du masque en or de Toutankhamon aux bustes de sphinx ainsi que du côté des représentations étrusques, sans oublier Bouddha, dont les effigies sont nombreuses à traduire la béatitude.
Mais, avec l’avènement du christianisme, vers le Ve siècle de notre ère, les manifestations heureuses s’estompent dans l’art occidental car dès lors la bouche se charge d’une symbolique liée au péché originel : seuls les êtres divins, ceux que la grâce a touché, les Saintes, les Madones, l’enfant Jésus, affichent sur les retables un sourire pur, épargné par le péché. Les anges ont aussi le privilège d’esquisser leur bonheur comme le fait L’Ange au Sourire, dit aussi « Sourire de Reims », une statue sculptée vers 1240 qui se distingue sur la façade de la cathédrale de Reims.
Puis le siècle des Lumières a permis de se dérider. Au XVIIIe siècle, les idées circulent, le sentiment de la liberté s’installe, l’expression de soi se fait jour, en littérature comme dans les arts visuels.
Ainsi le portrait, objet de commandes de riches princes et mécènes, devient un outil de valorisation. La conséquence en est la naissance d’un doux sourire séducteur. Puis le regard devient expressif et les commissures des lèvres s’étirent. Et ne pas dévoiler sa dentition s’avère une stratégie pour se montrer sous son meilleur jour. Ainsi la mythique Joconde.
Cette émancipation ne fera que s’épanouir aux XIX et XXe siècles.
Et l’impressionnisme – ayant fait de la vie moderne, des bals et des déjeuners sur l’herbe ou à la plage un sujet de prédilection – laisse éclater en couleurs la joie de vivre sur les visages.
C’est ainsi que J-b. Carpeaux, avec son œuvre de 1857, alors jeune pensionnaire ambitieux de la Villa Médicis, à Rome, connaît l’un de ses tout premiers succès.
Des années lus tard, dans une autre tonalité, le sourire vit son revival à travers le Pop Art. Mais la bouche pulpeuse de Marilyn immortalisée par Andy Warhol cache une critique acide de la société de consommation : c’est un sourire de façade.
Autres qu’une simple manifestation de joie, nos zygomatiques véhiculent aujourd’hui plus que jamais le cynisme, l’ironie – ce dont l’artiste chinois Yue Minjun s’est fait une spécialité avec ses personnages qui éclatent de rire pour faire passer des messages critiques. ; tant qu’on peut sourire…
Et puis ? Le musée du sourire bien sûr.
Et maintenant ? V.Batbedat, évidemment !