Une histoire :
Jusqu’à la Renaissance, il est souvent difficile de préciser la provenance géographique des bijoux car d’une part les nombreux échanges entre les cours royales rendent la production internationale, et d’autre part le recours fréquent, comme modèle, aux gravures des ornemanistes, circulent alors indifféremment dans toute l’Europe. Aussi de l’époque mérovingienne (probablement du Ve siècle) ne sont connues que de rares pièces dont essentiellement des bagues, en or. De même qu’au Moyen Âge jusqu’à la Renaissance la plupart des réalisations sont ornés de sujets religieux. Puis l’histoire se diversifie.
Au XVIIIe siècle les bijoux font le triomphe de la joaillerie qui, avec l’invention du strass, verre au plomb très brillant, va ouvrir son marché à une clientèle moins fortunée. Aussi l’iconographie du bijoux, après les sujets religieux est dominée par la flore, puis par le nœud de ruban, dès la seconde moitié du XVIIe.
Au XIXe siècle, tous les types de bijoux sont présents et suivent la mode vestimentaire tout en réutilisant des techniques oubliées, dont particulièrement celles de l’émail, qui permet d’autant mieux de répondre aux successions de modes influencées par les styles nord-africain, orient (japon), naturalisme… qui permettront l’essor d’un “style déco”.
Après la Révolution, l’offre et de la demande pour les produits de luxe augmentent. Puis survient l’Art nouveau français, (vers 1895-1910) qui constitue une période phare dans le domaine de la bijouterie, surtout à Paris. Ensuite, dans les premières années du XXe siècle, les formes naturelles se simplifient et se synthétisent : annonce des figures géométriques des années 1920, époque charnière au cours de laquelle on fait usage du platine, on créé des montures plus fines et plus souples, les contrastes sont utilisés autant que faire se peut au moyen des brillances (et mats), des transparences (et opacités), des couleurs (au plus franches), des matières, des thèmes, etc. Si bien que vers 1930 la monochromie succède à la polychromie.
Par ailleurs les renommées des grandes familles de bijoutiers se déploient.
Dans les années 1950, les artistes participent à cet art, initiant une première exposition de bijoux d’artistes à New York, en 1940, avec des oeuvres de Calder, pionnier.
V.Batbedat “Le petit boulier”, bijoux – mobile
Puis à partir des années 1960 les créateurs modifient de façon spectaculaire l’usage des matériaux de la bijouterie traditionnelle et lui proposent un nouveau rapport au corps : il est “mi-parure mi-vêtement”.
Plus récemment, la joaillerie connaît un nouveau souffle, s’accordant davantage à la liberté d’expression, à l’humour autant qu’à la rigueur, de la bijouterie plus généralement.
Le bijoux a ainsi permis de magnifier l’histoire (en tant qu’objet magique des épopées et des contes), la(les) religion(s), les savoirs-faire, les traditions, les imaginaires, la société (en tant qu’objet de luxe puis en tant que signe), etc.
Dès lors la préciosité du bijou se réfère-t-elle à la rareté ? à l’exception ? Car le bijoux s’intègre et parle à tous et de tout, qu’il soit plus esthétique ou plus symbolique.
Choisit-on un bijou pour son évocation (romantisme, mystère, histoire, originalité, poésie, sens philosophique, symbolisme…) l’utilisant dès lors comme une force, une alliance, un témoin, un soin, un charme … ?
En français, il n’existe pas de réel synonyme au terme bijoux. Et pourtant, tout semble envisageable pour le dire… même le coup de coeur !
Quoi qu’i en soit, il évoque en tous temps et pour tous, quelle que soit l’époque, une valeur.
Aussi, dans les années 1970, plusieurs sculpteurs réalisent des premières sculptures mobiles de différents formats, dont V.Batbedat qui, dans la continuité de cette mouvance, réalise ultérieurement des bijoux.
V. Batbedat sculpte ensuite des murs – dont le propos est d’être ouverts, pour un accès à la lumière – ; une véritable gasconnade dont l’objet : “faire du mur une ouverture”, dit autrement l’humour qui constitue aussi un fil de son être et de son oeuvre.
V.Batbedat, “cercle et carré”, bijoux en tubes d’argent.
V.Batbedat Réalisation monumentale, Marseille, La Timone
Néanmoins il est sûr que chaque matière est travaillée différemment par le sculpteur ; chacune se dit à sa manière, selon sa composition (grain, fibre, tendre, dur…) c’est-à-dire sa chimie, de sa génétique, qu’il s’agisse d’un minéral, d’un végétal, etc.
Mais aussi “dans chaque bijoux, l’inventivité de son auteur se retrouve” – “un bijoux peut être autre chose qu’une pierre précieuse dont la valeur ne se compte qu’en carats. Si la nature fait souvent bien les choses, la culture elle, nous offre des émotions, elle façonne notre sensibilité e nous fait vibrer devant ces bijoux, qui sont à voir comme autant de confidences “. (“Bijoux Sculptures” – Gallimard – sous la direction de Diane Venet)
Alors ces bijoux d’artistes, que racontent-t-ils ? Qu’offrent-t-ils aux regards ? Par quel imaginaire nous saisissent-ils pour se raconter ?
De le signification des créations autant que des choses il est vaste de discuter et l’horizon seul y suffirait…
Aussi les bijoux de V. Batbedat font écho à son oeuvre sculptée en tubes carrés inoxydables d’une part et en pierre d’autre part : des volumes plein que l’on retrouve dans les bijoux moulés et des volumes vides que les bijoux en tubes carrés, que de bien moindres dimensions semblent miniaturiser.
Mais ces oeuvre parentes ne sont pas des réductions ni des agrandissements les unes des autres. Le bijoux n’est pas une maquette de sculpture ; il a sa propre dimension, un espace qui lui est propre.
Il élabore ses sculptures monumentales à l’appui d’études (en cuivre ou en argile) , de schémas et de maquettes éventuelles, différentes de celles de bijoux qui ont leurs propres modèles, à une échelle encore différente. L’auteur-créateur semble alors cheminer de l’une à l’autre mesure, tel un créateur d’espaces, et non pas d’objets.
Ses thèmes sont ainsi communs à l’ensemble de ses oeuvres, quelles qu’en soit la mesure, tels que :
le mur ouvert, le passage, la lumière, la ziggourat, le mouvement, l’équilibre…
Dès lors, le charme du bijou d’artiste serait sa mesure ? peut-être un rappel de la fugacité d’un parfum ?
ICI : Un extrait de l’ouvrage “Bijoux contemporains, une passion”, de S.Thierry de Saint Rapt,
où sont présentés des bijoux de V. Batbedat.